Changement de statut élargi vers le permis unique à partir de la Belgique

Changement de statut élargi vers le permis unique à partir de la Belgique

Le ressortissant d’un pays tiers qui souhaite venir séjourner en Belgique en vue de travailler doit introduire une demande de permis unique. Cette procédure doit être introduite par l’employeur auprès de l’autorité régionale compétente alors que l’étranger se trouve encore dans son pays d’origine.

La chambre des représentants s’est prononcée le 10 novembre 2022 sur le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Base légale : le droit européen

Cette loi vient transposer la directive 2011/98 de l’Union européenne établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre. Cette directive énonce à son article 3 :

« 1.   La présente directive s’applique aux:

  1. a) ressortissants de pays tiers qui demandent à résider dans un État membre afin d’y travailler;
  2. b) ressortissants de pays tiers qui ont été admis dans un État membre à d’autres fins que le travail conformément au droit de l’Union ou au droit national, qui sont autorisés à travailler et qui sont titulaires d’un titre de séjour conformément au règlement (CE) no 1030/2002; et
  3. c) ressortissants de pays tiers qui ont été admis dans un État membre aux fins d’y travailler conformément au droit de l’Union ou national.»

 

Quant à la procédure d’introduction de la demande la directive prévoit à son article 4 :

« 1.   La demande de délivrance, de modification ou de renouvellement du permis unique est introduite dans le cadre d’une procédure de demande unique. Les États membres décident si la demande de permis unique doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers ou par son employeur. Les États membres peuvent aussi décider d’autoriser une demande émanant de l’un ou l’autre. Si la demande doit être déposée par le ressortissant d’un pays tiers, les États membres permettent que la demande soit introduite à partir d’un pays tiers ou, si le droit national le prévoit, sur le territoire de l’État membre dans lequel le ressortissant d’un pays tiers se trouve légalement. »

Cette loi vient également transposer la directive 2021/1883 de l’Union européenne établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers au fin d’un emploi hautement qualifié, et abrogeant la directive 2009/50/CE du Conseil.

Le projet de loi du 10 novembre 2022 a pour but d’étendre la possibilité de l’introduction d’une demande de permis unique à des demandeurs qui sont admis à résider sur le territoire du royaume pour une période de plus de nonante jours. Il s’agit donc d’étrangers qui sont déjà admis au séjour mais souhaitent changer leur statut, par exemple parce que les conditions ont changé.

 

Principe et nouveautés

Cette modification législative vise plutôt à inclure les étrangers déjà autorisés au séjour et déjà autorisés à travailler en Belgique mais dont le motif initial d’arrivée en Belgique n’était pas le travail.

L’article 4 du projet de loi vient étendre la possibilité de demander un permis unique depuis la Belgique et modifie l’article 61/25-2, §2 de la loi du 15 décembre 1980.

Un premier élargissement est prévu visant : « le ressortissant d’un pays tiers qui est admis ou autorisé à séjourner sur le territoire du Royaume pour une période de plus de nonante jours conformément au titre Ier, chapitre III, de la loi du 15 décembre 1980 »[1].

Il s’agit plus particulièrement des catégories suivantes visées par les articles 9 à 10ter de la loi du 15 décembre 1980:

  • l’étranger qui a été autorisé par le ministre (ou son délégué) à séjourner plus de nonante jours dans le Royaume;
  • l’étranger qui a bénéficié d’une régularisation humanitaire parce qu’il se trouvait dans des circonstances exceptionnelles l’empêchant d’introduire la demande dans son pays d’origine (ou dans le pays où il résidait habituellement);
  • l’étranger qui a bénéficié d’une régularisation médicale parce qu’il séjourne dans le Royaume et souffre d’une maladie telle qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne;
  • l’étranger qui a été admis de plein droit à séjourner plus de nonante jours dans le Royaume et
  • certains membres de la famille d’étrangers qui ont été autorisés à séjourner dans le Royaume.

Par conséquent, certains étrangers dépendant d’une personne autorisée au séjour sur le territoire belge pourraient obtenir leur propre titre de séjour indépendant (par exemple en cas séparation ou de divorce avec le partenaire,  de revenus insuffisants dans le chef de la personne autorisée au séjour, etc). En outre, certains étrangers sont autorisés au séjour et non au travail, par exemple le membre de la famille d’un étudiant qui souhaite entamer une activité économique devrait rentrer dans son pays d’origine pour introduire sa demande. Cette modification législative lui permettrait d’introduire sa demande en Belgique, sans devoir repartir dans son pays d’origine.

Un deuxième élargissement sont les étrangers qui tombent sous le coup des dispositions complémentaires et dérogatoires relatives à certaines catégories, notamment les membres de la famille d’un Belge ou d’un citoyen européen, tels que visés par les articles 40 et suivants de la loi du 15 décembre 1980[2]. Il s’agit d’étrangers qui ont déjà été autorisés à séjourner sur le royaume pour une durée de plus de nonante jours mais qui souhaitent changer de statut de séjour. Ils décident alors de renoncer à leur titre de séjour antérieur au bénéfice d’une demande de permis unique.

Concernant les étrangers privilégiés visés par l’arrêté royal du 30 octobre 1991 pour certains titres de séjour délivrés par le SPF Affaires étrangères (les diplomates) : en principe ils ne peuvent pas introduire leur demande de permis unique depuis la Belgique, sauf s’ils prouvent qu’ils peuvent renoncer à leur statut privilégié. La demande de permis unique pourra donc être introduite en Belgique si l’étranger peut prouver au préalable qu’il a restitué carte de séjour obtenu en tant qu’étranger privilégié. Lors de la restitution de sa carte d’identité spéciale (carte D), il se verra délivrer une déclaration d’arrivée et devrait alors pouvoir introduire sa demande en Belgique.

Les travaux de la commission « intérieur, sécurité, migration et matières administratives » résume que le projet de loi a pour but d’adresser trois situations principales :

  • L’étranger qui a été autorisé au séjour par regroupement familial avec son conjoint ou partenaire légal étudiant originaire d’un pays tiers.
  • Les étrangers qui dépendent de leur conjoint pour obtenir un titre de séjour par regroupement familial et leur permettre d’obtenir un statut autonome.
  • Les étrangers qui se trouvent en Belgique sous couvert d’un statut dit « temporaire » comme les ukrainiens et leur permettre de passer à un statut de migration économique.

Toutefois, la commission rappelle « Il n’est pas prévu d’introduire la possibilité de faire une demande de permis unique à partir de la Belgique si la personne ne séjourne pas légalement en Belgique ou qu’elle est en situation de séjour temporaire et précaire, basé sur une procédure de séjour en cours. Le projet de loi à l’examen permet à la Belgique d’envoyer un signal clair. »

Pour le reste, M. Rigot n’ignore pas que la Secrétaire d’État n’est pas favorable à la régularisation par le travail, mais il lui parait que cette piste constituerait une belle opportunité économique et sociale

 

Procédure

Il est important de préciser que le permis restera délivré uniquement si les conditions d’octroi du permis unique sont respectées.

Le demandeur qui introduira ainsi une demande de permis unique devra produire une pièce d’identité ainsi qu’un certificat médical et une preuve de casier judiciaire vierge : « L’article 25/2, § 1er, 1°, de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 stipule qu’outre le permis de travail B ou la carte professionnelle ou une attestation d’exemption, le certificat médical et un extrait du casier judiciaire doivent être présentés. Il s’ensuit que, lorsque ce paragraphe a été introduit, le législateur entendait déjà que ces documents puissent être demandés. » « Étant donné que tous les documents visés au paragraphe 1er ne sont pas pertinents dans tous les cas où la demande est introduite depuis la Belgique, il est prévu que le ministre ou son délégué peut également accorder une autorisation de séjour sans les documents visés au paragraphe 1er, alinéa 2, 4°, 5° et 6°. Par exemple, il n’est pas pertinent de demander un certificat médical si le demandeur a déjà séjourné en Belgique pendant plus de 90 jours. »[3]

 

Notre Cabinet d’Avocats attend impatiemment l’issue des débats et votes sur ce projet de loi et ne manquerons pas de revenir vers vous une fois qu’il aura été adopté pour de plus amples explications.

Le cabinet d’avocats Halabi & Associés